Marilyn Monroe internée

 

 

Marilyn  à l'hôpital psychiatrique.

Extrait de Moi, je Marilyn Monroe, de Théo Delibes

 

 

 

Les critiques des Misfits étaient mauvaises. Je me sentais à bout de force morale, m'installais par moments chez les Strasberg, rampais à quatre pattes jusqu'à leur porte pour entendre un mot gentil, un mot d'humain quand j'étais écrasée par les bunnies et l'alcool. Il m'était difficile de relever la tête, de faire sortir Marilyn de Norma. Il n'y avait qu'un même monstre abandonné, allongé sur un banc dans une rue.

Alors Marianne Krys, ma psychanalyste d'Hollywood, me fit entrer à l'hôpital psychiatrique de Payne Whitney. J'étais dans la grande lignée des femmes internées, ma grand-mère, ma mère, mais je sentais que je n'avais pas ma place ici, qu'il n'y avait pas le singe en moi sinon un nounours dans les bras de Norma.

Je n'étais pas comme les autres femmes ici, j'étais Marilyn Monroe. Tout le monde défilait devant ma cage transparente à l'étage des modérément perturbés. Qu'ils regardent Marilyn me faisait relever la tête. J'étais peut-être bourrée de problèmes, mais pas folle. Alors je criais de l'intérieur pour qu'on ouvre la porte fermée à clefs mais personne ne venait. C'étaient des spécialistes et ils n'entendaient pas les cris de l'intérieur!

Pourquoi enferme-t-on les enfants, pourquoi les mettre dans un nouveau parc alors qu'ils ont appris à marcher?

On m'a mis l'uniforme de l'hôpital, comme au pensionnat, pour cacher Marilyn mais Marilyn est là, dans moi et vivante, alors j'ôte les vêtements pour m'exhiber nue, devant la vitre de la cage, et tout le monde sort la langue et m'élirait si je me présentais aux élections.

On m'emmène à l'étage des agités. Ils veulent que je sois folle, je le serai. Je jette une chaise contre une baie vitrée. Les morceaux tombent lentement, un à un comme de la neige. J'ai l'impression que la chaise a heurté mon image dans un miroir. Les morceaux qui tombent un à un au ralenti sont chacun un morceau de moi-même. J'ai mal. Les infirmières se mettent à genoux et ramassent les morceaux avec leurs mains, au risque de se couper encore.

Les deux Moi sont réunis dans la même camisole. Qui me sortira de là? Des infirmières me caressent la tête, je leur crache dessus, je ne suis pas leur enfant à elles, puis je me calme, elles disent "va mon petit, ça va aller maintenant", j'ai chaud dans leurs bras, un monsieur demande à Norma "Qu'est-ce que tu feras plus tard, quand tu seras grande?", je lui dis "Je ferai Marilyn".

Sortir de là. Retrouver les journalistes dehors qui tambourinent à la porte. J'écris aux Strasberg que je suis dans un hôpital "pstikiatrique", qu'ils ne savent plus rien de moi parce que je suis enfermée avec tous ces pauvres dingos. Je suis sûre que je vais devenir dingue si je reste dans ce cauchemar, s'il vous plait, aidez-moi Lee, je lui écris, je veux retourner au cours et me rappelle que tu as dit que l'art va bien au-delà de la Science. Ici ils me mentent en disant qu'ils vont appeler un médecin mais ils n'appellent pas. Ils ferment la porte de la salle de bain alors j'ai brisé la vitre mais en dehors de ça, je n'ai rien fait d'anti coopératif Lee.

J’écris la lettre. Ca me rappelle un autre que j’avais écrite, il y a deux ans, à Norman Rosten, mon ami le poète. J’étais dans un hôtel à Coronado, en Californie.

Le papier à lettres de cet hôtel était décoré d’un paysage de plage. Alors j’ai dessiné une petite Marilyn qui agitait les bras, avec sa bouche de Norma qui criait « au secours ».

Ça faisait joli sur le dessin. En le voyant, ça me donnait envie de pleurer tellement la Marilyn était petite dans le grand océan. Dans la lettre à Norman, j’écrivais : »Cher Norman, N’abandonne pas le navire au moment où nous coulons. J’ai l’impression que ce navire n’arrivera jamais au port. Nous nous sommes engagés dans le Détroit des Détresses, Grande houle et vent de travers mais pourquoi m’en faire ? Je n’ai pas de symbole phallique à perdre. Marilyn. 

 

 

PS. Aime-moi uniquement pour mes cheveux blonds. »